Article de presse Courrier de l’Ouest : Maine-et-Loire. Force Ouvrière refuse toute « union nationale » le 1er mai
1er MAI – Allocution de Catherine Rochard, Secrétaire de l’UD FO 49
Ce 1er mai 2020, journée internationale de solidarité entre tous les travailleurs prend cette année une tournure particulière tant est grande la nécessité de maintenir des liens de solidarité, à l’échelle nationale comme internationale, dans cette situation de crise sanitaire.
Solidarité entre travailleurs face à l’incurie des gouvernements, incapables d’assurer la protection et la sécurité des travailleurs, de fournir les équipements nécessaires, d’abord aux soignants mais aussi à tous ceux contraints d’aller travailler pour assurer les activités essentielles ou pour assurer la continuité des services publics. Et cela parce que,
partout, les services publics et les systèmes de santé sont mis en pièces pour des motifs économiques.
Solidarité avec tous ces travailleurs qui, eux, ne bénéficient d’aucune protection sociale et qui aujourd’hui sont exclus des soins ; solidarité avec tous ceux qui se retrouvent privés d’emploi, sans aucun revenu faute d’assurance chômage.
Cette crise, dans certaines parties du monde et pas seulement dans les pays dits pauvres, jette des salariés par millions à la rue et les affame. Plus de 60 000 morts et près de 30 millions de chômeurs aux états unis par exemple ! Faut-il une meilleure preuve de l’impérieuse nécessité de la mise en place partout dans le monde de systèmes de protection sociale basée sur la solidarité ?
Solidarité avec tous les syndicalistes qui dans le monde entier voient leurs droits bafoués. Le libéralisme économique ne tolère pas les voix dissonantes et particulièrement quand les tensions sont importantes.
Rappelons que pour Force Ouvrière, le premier mai n’est pas « la fête du travail ». Le premier mai comme nous l’avons dit est une journée de solidarité internationale et de revendications. Et la nuance est d’importance.
Il faut rappeler, en ces temps d’épidémie où le gouvernement nous appelle à l’Union Nationale, que c’est le Maréchal Pétain qui décrète en 1941, que le 1er mai sera la « Fête du Travail et de la Concorde sociale »… « Concorde sociale » … Comme ce à quoi appelle le gouvernement en invoquant une « nécessaire Union Nationale. »
Mais quelle « Union Nationale » ?
Comme en 2008, le gouvernement loue la protection sociale à la Française. Mais alors que le conseil des ministres est réuni en urgence sur la question du COVID-19 le 29 février, le Premier ministre annonce qu’il va utiliser le 49-3 pour adopter sa réforme des retraites de destruction de l’ensemble des régimes, général, particuliers, spéciaux et complémentaires pour les fusionner en un seul, « universel », a minima, d’individualisation des droits.
Il organise donc un coup de force pour imposer cette réforme combattue par des millions de salariés, du public comme du privé, pendant des mois avec des mouvements de grève d’une ampleur sans précédent comme à la SNCF à la RATP ou dans l’enseignement. La crise économique qui frappe l’ensemble des pays, dont le nôtre, pourrait faire reculer le PIB de 9%. La réforme des retraites de Macron prévoit en particulier d’indexer la valeur des pensions sur ce PIB. Si elle s’était appliquée aujourd’hui, aurait-il fallu diminuer les retraites de 9 % ? C’est très exactement ce à quoi il aurait fallu s’attendre. Alors oui, à cette étape, le gouvernement a suspendu la réforme comme il a suspendu l’application des nouvelles mesures de l’assurance chômage… mais il ne les a pas retirées. Plus que jamais nous devons rester vigilants.
Pouvons-nous conclure une « Union Nationale » avec un gouvernement qui, aux ordres du Medef et des financiers se saisit de la crise sanitaire pour dérèglementer, remettre en cause le code du travail, les conventions collectives ?
La loi Urgence sanitaire adoptée le 23 mars 2020 prétendument pour faire face à l’épidémie est en fait l’instrument de l’accentuation de cette dérèglementation : Un décret permet à l’employeur, via un accord d’entreprise, de décider de la date des congés payés. Il dispose également sans consultation des instances du personnel de la possibilité d’imposer, jours de RTT, de récupération et de jours qui sont dans un compte épargne temps. Et dans la foulée, ces dispositions sont devenues applicables dans la fonction publique d’Etat et territoriale. Mais ce ne serait pas suffisant, les patrons et la ministre du travail rêvent maintenant de nous ramener 100 ans en arrière pour imposer la semaine de 60h, déroger aux jours fériés, au repos hebdomadaire !
Allons-nous réaliser « l’Union Nationale avec ce gouvernement et ses donneurs d’ordres, les patrons ? Non ! Ça suffit ! Ce 1er Mai est l’occasion de leur rappeler que c’est à l’occasion de grandes grèves que les salariés ont arraché la semaine de 40h, les congés payés, le repos dominical, toutes ces normes qu’ils rêvent de faire voler en éclat !
Et maintenant c’est la sécu qui est dans l’oeil du cyclone. Cette grande conquête ouvrière qui se révèle un amortisseur social indispensable, unique, fait désormais l’objet de « critiques » Le ministre Darmanin a indiqué que le déficit prévisionnel de la sécurité sociale serait « colossal », qu’il aurait de quoi « donner le tournis » : 41 milliards d’euros ! Or toutes les mesures prises pour les entreprises commencent par un report (annulation ?) des cotisations patronales : 31 milliards d’euros. Pourquoi le ministre Darmanin ne le rappelle-t-il pas ? Mais allons plus loin : aurait-il fallu que la sécu ne verse pas les 4 milliards d’euros pour l’achat de masques ? Fallait-il que la sécu ne verse pas les 3 milliards d’euros aux hôpitaux pour verser la prime aux soignants ? Fallait-il que la sécu refuse de payer les arrêts maladie pour garder les enfants ou les personnes vulnérables ? 41 milliards ? Mais que dit M. Darmanin des 50 milliards d’euros de dividendes qui seront versées aux actionnaires des entreprises du CAC 40 ?
Enfin, quelle unité nationale avec un gouvernement qui, cédant aux injonctions patronales, veut « déconfiner » alors que dans le pays, la pénurie de masques, de protection pèse sur la sécurité et la santé des salariés ?
Pour le gouvernement et le MEDEF la reprise de l’activité économique devient une priorité. Et s’il faut pour cela exposer les salariés dans les transports, les enfants dans les écoles, pas d’hésitation.
Ce déconfinement d’ailleurs prend des allures ubuesques. On déconfine d’abord les petits, puis les collégiens, et enfin les lycéens… C’est-à-dire d’abord ceux auxquels il est le plus difficile de faire appliquer les mesures sanitaires et à qui on ne peut demander le port du masque, mais qui sont aussi ceux qui à la maison ne se gardent pas tous seuls ! Tout cela pour que leurs parents puissent aller au travail. « Basé sur le volontariat ? » Mais quel employeur acceptera que son salarié reste à la maison pour garder son enfant alors cet enfant peut être accueilli à l’école ? Quel cynisme !
Ce 1er Mai est l’occasion de rappeler notre attachement aux services publics garants de l’égalité de traitement entre tous les citoyens. Depuis 20 ans, les gouvernements successifs ne cessent de les affaiblir en fermant des services, en supprimant massivement des postes ! Tous les services publics font l’objet de démantèlement et pourtant dès lors qu’une situation extrême touche notre pays, que ce soit les attentats, et maintenant cette épidémie de Covid-19, c’est un concert de louanges à l’égard des fonctionnaires. Ils sont devenus les héros du quotidien ! Mais les « héros » ne se contenteront pas d’applaudissements, ils exigent la satisfaction de leurs revendications en termes de salaires et d’effectifs qu’ils soient soignants, enseignants, fonctionnaires territoriaux, policiers agents des impôts etc. Et avec eux nous revendiquerons la préservation et l’amélioration du Service Public.
Face à un gouvernement qui reste sourd à nos revendications, qui a vu avec les « gilets jaunes » surgir un mouvement de fond contre sa politique, un gouvernement à qui 64% de la population ne fait pas confiance pour gérer la crise sanitaire, nous devons refuser « l’Union Nationale », nous devons opposer nos revendications :
• Pas de reprise sans masque, sans test, nous exigeons le droit à la santé et à la sécurité au travail.
• Non à la casse de la protection sociale
• Augmentation générale des salaires
• Des services publics au service de tous les citoyens ;
• Stop à la déréglementation ! maintien du Code du Travail, des Conventions collectives et du statut
Vive la solidarité internationale !
Vive le syndicalisme libre et indépendant !
Vive le 1er Mai 2020!
Catherine ROCHARD