C’est une réalité que nous vivons tous en ce moment : longtemps caressée ou effleurée dans des établissements pilotes, l’évaluation par compétences s’est généralisée dans la mouvance de la réforme du collège. Elle suscite enthousiasme chez les uns, méfiance voire allergie chez les autres, qui, contraints ou forcés, ont dû s’y mettre. En effet, plusieurs collèges du Maine-et-Loire ont fait la bascule, en renonçant à l’évaluation chiffrée pour l’ensemble des classes, et se sont abonnés à « Pronotes » ou formés sur le logiciel gratuit « Sacoche ». D’autres collèges, respectant la liberté pédagogique des enseignants, proposent des évaluations mixtes (notes et compétences).
Les choix n’ont pas été faciles, loin s’en faut. Les débats ont pu être houleux au sein des équipes, au point parfois de créer des clivages sérieux entre collègues. Dans certains établissements, le paramétrage par la direction du logiciel choisi n’a pas permis de maintenir une évaluation chiffrée, pourtant souhaitée par une partie des enseignants.
Le tableau général est donc contrasté ; mais au terme des premiers mois d’expérimentation à grande échelle, le malaise semble s’étendre, au point de contaminer ceux qui étaient convaincus de prime abord.
Il faut avouer qu’en ces temps de renouveau pédagogique (très fortement recommandé par l’inspection), l’évaluation est devenue… une discipline à part entière, avec son langage, sa grammaire et ses fiches-outils. Les temps d’explication avec les élèves prennent du temps, beaucoup de temps, et les entretiens avec les parents, déjà chronophages, s’en trouvent conséquemment démultipliés. Dans plusieurs collèges, le premier trimestre a été laborieux ; les enseignants ont mis du temps à mettre en place leurs échelles descriptives et à les expliciter – avec pour certains, un sentiment d’exaspération grandissant. Le risque de déconnexion avec certaines familles, et particulièrement dans les quartiers sensibles, est loin d’être négligeable, au point que plus d’un collègue songe à revenir aux notes.
Il faut reconnaître qu’entre la liste interminable et ô combien technique des différentes compétences par disciplines et le resserrement spectaculaire de l’échelles des notes (de 0 à 20, on est passé de 1 à 4), cette nouvelle évaluation a pour effet de lisser les difficultés des élèves, et d’atténuer les réussites de ceux qui recherchent la performance. La perte de repère est indéniable, pour les élèves comme pour les parents, qui vont être bien en peine pour réfléchir avec lucidité à un projet d’orientation accessible : entre le rouge clair et le vert foncé, le soleil des possibles éblouit chacun de ses couleurs orangées. Que voir ? Comment interpréter cette nouvelle gamme chromatique assortie d’un vocabulaire d’expert ? On n’y voit plus rien, ou alors, on y voit ce qu’on veut, « le vert » à moitié vide ou à moitié plein…. Inflation des mots, diminution des chiffres, tout finit par basculer dans l’imparfait du subjectif…
Côté enseignants, une question évidente se pose : si chacun se met à enseigner des compétences, quel avenir pour les disciplines ? Pourquoi le CAPES et l’agrégation seraient-ils maintenus ? En quoi le professeur de collège serait-il différent d’un maître des écoles ?
Plus grave encore : on sait bien que le livret de compétences est inspiré de la littérature managériale et que les bilans de compétences se font à Pôle Emploi. Evaluer un salarié sur ses compétences et indexer sa rémunération à son livret plutôt que sur ses diplômes, c’est une perspective qui ne se dessine que trop clairement, dans la foulée de la Loi Travail, vigoureusement dénoncée par le syndicat nationale Force Ouvrière. La nouvelle évaluation dispensée au sein des collèges doit en tous les cas poser question.
En ces temps troublés, le SNFOLC appelle ses adhérents à la plus grande vigilance. N’hésitez pas à nous faire part de vos expériences !
La syndicalisation est une force : rejoignez-nous !
Le bureau du SNFOLC 49