
Face au tollé provoqué par son projet de réforme des concours et de la formation des enseignants, la ministre Nicole Belloubet avait dû renoncer à publier le décret fondateur de cette réforme. Un an plus tard, presque jour pour jour, Élisabeth Borne, détentrice du record des 49.3 comme Première ministre, devenue ministre de l’Éducation nationale et de l’ESR, publie au journal officiel du 17 avril un texte inchangé après avoir refusé toute expression à ce sujet des syndicats en CSA ministériel !
Un décret toujours porteur des graves reculs dénoncés par la FNEC FP-FO :
Maintien de la masterisation, cette fois en parallèle de la formation professionnelle initiale, après le concours passé en fin de L3 : élèves fonctionnaires durant le M1 puis fonctionnaires stagiaires durant le M2, les lauréats seront surchargés d’exigences multiples.
Maintien de concours où la part disciplinaire est réduite à peau de chagrin, en particulier à l’oral (épreuves d’admission), où, plus que la maîtrise des connaissances disciplinaires ou l’esprit critique, c’est la docilité aux attentes hiérarchiques qui sera évaluée.
Barrage supplémentaire entre le M1 et le M2 pour des lauréats de concours qui seraient taxés d’ « insuffisance manifeste ».
Inégalité devant le concours de professeurs des écoles, ceux ayant réussi les deux premières années d’une licence spéciale « PE » étant dispensés des épreuves écrites d’admissibilité.
Des rémunérations de misère pour des lauréats de concours de catégorie A : en net, moins que le SMIC durant l’année d’élève fonctionnaire, à peine 10 % au-dessus lors de l’année de fonctionnaire stagiaire. Contrairement à ce qu’affirme le ministère, l’« attractivité » n’est pas au rendez- vous !
« Période de transition » ou mise à mort des concours ?
Une telle réforme, enclenchée dès la rentrée 2025, implique la mise en place dans la plus grande précipitation de modules pour la préparation du CRPE et des CAPES en fin de L3, tout en maintenant les formations « MEEF » existantes pour les concours en fin de M2, avec par ricochet de nombreuses adaptations des licences comme des masters durant la « période de transition », qui va se prolonger jusqu’en 2028-29…
Outre la marginalisation définitive de l’agrégation, les effets néfastes prévisibles sont multiples, en particulier :
La réduction du nombre de filières préparations aux concours, qui vont consommer beaucoup d’heures, notamment durant la « période de transition », ce que ne pourront pas assumer toutes les universités, alors que 80 % d’entre elles sont en déficit et que les manques de postes sont abyssaux. L’alternative, ce seront des disparitions de licences et masters disciplinaires.
L’impossibilité concrète pour des détenteurs de licences disciplinaires de réussir le concours de PE dans des académies « attractives », où se déverseront les flots de dispensés d’épreuves d’admissibilité venus de la France entière.
L’accroissement du nombre de postes non pourvus en raison de la possibilité pour les M2 de 2025-26 et 2026-27 de passer et donc réussir les concours de niveau L3 comme de M2.
On voudrait tuer les concours de recrutements d’enseignants de l’École publique et laïque qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
La FNEC FP FO appelle les personnels à se réunir, à prendre position pour l’abrogation du décret et à rejoindre les manifestations du 1er mai.
Elle exige l’ouverture d’une véritable négociation sur la base des revendications des personnels.
25 04 21- Réforme des concours - la ministre passe en forceEn effet, le 2 avril, il y a eu un groupe de travail au ministère sur cette question… voir le communiqué du 3 avril ci-dessous.
Formation des enseignants et concours d’enseignement : le Ministère refuse toute négociation !
La FNEC FP-FO quitte la séance
Mercredi 2 avril, le ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a organisé un « groupe de travail » pour présenter dans ses grandes lignes la réforme de la formation des enseignants, en premier lieu les modifications des décrets statutaires des différents corps d’enseignants et CPE.
Or, ce qui a été présenté est absolument inchangé par rapport à ce qui avait été présenté lors du CSA ministériel du 10 juillet 2024, trois jours après la gifle électorale des législatives. Après ce CSA, que la FNEC FP-FO avait quitté et qui s’était tenu sans quorum, la ministre démissionnaire Belloubet avait été contrainte de reculer et de suspendre le projet.
Élisabeth Borne a, quant à elle, promis qu’un CSA ministériel se tiendrait en bonne et due forme par souci de « dialogue social ». Mais elle a visiblement changé d’avis puisque les représentants de son ministère annoncent que cette réforme statutaire serait publiée de manière inchangée sous forme de décret dès le 15 avril.
Les lauréats des concours en fin de L3 seront certes élèves fonctionnaires durant leur année de M1, ce que la mobilisation de 2024 avait obtenu.
Mais le décret statutaire qui constitue l’ossature même de l’ensemble de la réforme maintient tous les défauts que nous avions pointés il y a 10 mois :
– Inégalité devant le concours, puisque les étudiants en licence « PE » seraient dispensés des épreuves écrites d’admissibilité, ce qui n’est pas le cas pour les étudiants de licence disciplinaire ; inégalité qui gangrène même la préparation aux concours, puisqu’il n’est pas du tout certain que toutes les universités auront les moyens de proposer une telle licence « PE ». La mise ne place d’une telle licence PE mettrait de plus en péril nombre de licences disciplinaires en lettres, sciences humaines et sociales ou en mathématiques, dont les effectifs risquent d’être happés par la licence PE.
– Aucune garantie réelle que l’année de M1 comme élève fonctionnaire (à 1400 € net, ce qui n’est pas aussi « attractif » que le ministère semble le croire) soit prise en compte dans la pension ou dans l’avancement de carrière
– Barrage entre le M1 et le M2, tous les lauréats étudiants de M1 taxés d’ « insuffisance manifeste » (selon des critères et des procédures discrétionnaires) se verraient interdits de poursuivre.
– Traitement inégal des lauréats déjà détenteurs d’un M1, certains ayant accès au M2 comme fonctionnaires stagiaires (en responsabilité devant les classes à 50 % et payés environ 1800 € net), d’autres contraints de se réinscrire en M1.
– Obligation d’un engagement de 4 ans pour les lauréats du concours, avec remboursement des sommes perçues pour ceux qui seraient expulsés ou qui partiraient avant la fin de cette période.
– Maintien de la masterisation, source d’une surcharge de travail alors que les étudiants sont en formation professionnelle initiale et justifiant l’exigence d’avoir le diplôme de master pour être titularisé.
Dans ces conditions où le ministère utilise un « 49-3 » réglementaire en refusant toute négociation sur tous ces points, la FNEC FP-FO a refusé de poursuivre les échanges et a quitté la séance avec la majorité des organisations syndicales.
Face à ces attaques contre le statut, la FNEC FP-FO entend bien en effet faire valoir toutes ses revendications :
– Prise en compte de l’année d’élève-fonctionnaire dans les droits à pension, mais aussi dans la carrière.
– Abrogation de la masterisation ; suppression du barrage prévu entre M1 et M2 ; suppression de la condition de l’obtention d’un master pour être titularisé ;
– Égalité devant le concours : la préparation du diplôme national de licence doit donner à tous accès aux mêmes épreuves de concours, quelle que soit la licence suivie ;
– La même formation pour tous ; aucun recul salarial et reprise de l’ancienneté pour tous ceux, public-privé, ayant une expérience professionnelle avant le concours ;
– Suppression de l’engagement de quatre ans post titularisation ;
– Des dotations supplémentaires explicitement fléchées pour que toutes les universités puissent assurer les préparations aux concours avant la licence.
Télécharger ici le communiqué du 3 avril
25-04-03-Reforme-du-Concours-Enseignement