Après le droit de manifester, le droit d’expression tout court…
En effet, le premier article porte sur l’exemplarité des membres de la communauté éducative, formulation en apparence anodine. Les réels objectifs sont expliqués par les services du ministère : il s’agit de sanctionner des «faits portant atteinte à la réputation du service public». Plus précisément, la loi vise des propos mensongers ou diffamatoires à l’encontre des personnels «et de manière générale l’institution scolaire».
« Pourquoi une telle précision ? Les enseignants, comme tous les fonctionnaires, ont des obligations, qu’ils doivent scrupuleusement respecter. Ils sont tenus au secret professionnel, donc à la discrétion sur les faits portés à leur connaissance dans le cadre de leurs fonctions. Ils ont aussi l’obligation de neutralité, liée à leur statut d’agents d’un Etat laïque. Ils n’ont cependant aucun devoir de réserve, c’est-à-dire l’interdiction d’exprimer publiquement leurs opinions, notamment politiques, en dehors de leur cadre de travail. Leur liberté d’opinion est même essentielle, constitutive de leur métier. Les enseignants ont ainsi le droit de s’exprimer sur les politiques éducatives, on pourrait même dire le devoir de contester ce qui leur semble aller contre l’intérêt de leurs élèves. Les contours de cette liberté ont toujours été très clairs. Tous les abus peuvent être sanctionnés par un arsenal juridique existant : diffamation, injures, violences envers les personnes.
Or qu’est-ce qu’une «atteinte portée à l’institution» ? Où est la frontière entre critiquer l’institution et la dénigrer ? Un enseignant pourra-t-il encore écrire librement sur les conditions d’exercice de son métier sans tomber sous le coup de cette prétendue loi de confiance ? Rien n’est moins sûr. Avec cet article, monsieur Blanquer veut donc créer un délit d’opinion spécifique aux personnels de l’éducation nationale.
(Extraits et Sources Journal Libération 11/02/2019)